"Les deux raisons de la pensée chinoise", L.Vandermeersch

Ce qui distingue l’écriture chinoise c’est que contrairement à la plupart des écritures qui suivent la logique de la parole et qui ont pour but principal de transcrire le plus fidèlement possible ce qui est entendu, l’écriture chinoise a un eu un développement autonome du fait de son origine, qui explique aussi la forme des caractères. Après il faudrait voir comparativement comment ça fonctionnait pour les hiéroglyphes ou d’autres écritures qui avaient à la fois une fonction de représentation visuelle et une fonction d’indication sonore.
En ce qui concerne le chinois, ce fut à l’origine une méthode de divination, à partir d’ossements, le mode ordinaire devint l’utilisation de carapaces de tortues (la face plate), on faisait des brulures sur une face avec un instrument pointu, puis on regardait la figure formée de l’autre coté, on trouvait déjà l’ébauche de traits fondamentaux que l’on retrouve dans les caractères : des lignes verticales sur lesquelles s’embranchent deux ou trois lignes horizontales, ce serait ce procédé de création qui expliquerait aussi l’écriture verticale, car une écriture horizontale aurait conduit à des superpositions de figures nuisant à la lecture ou la rendant impossible (les lames de bambou auraient pu être utilisées dans les deux sens, ce ne serait donc pas l’explication). L’écriture horizontale correspond mieux au fonctionnement du regard.
Ce système de divination se serait ensuite organisé dans ce que Vandermeersch appelle des « équations divinatoires ».
Mais comment en est-t-on passé à un système d’écriture (qui conservera dans la langue ancienne les ambivalences et les flottements grammaticaux des formes visuelles) ? Il semble que l’arrivée des moines bouddhistes ait joué un rôle dans la structuration de la langue car ils étaient familiers des langues à alphabet, des langues écrites pour reproduire les sons.
Il y eut donc une langue écrite commune à tout l’empire et aux pays vassaux limitrophes, mais sans unification des langues parlées, ni d’écriture pour ces différentes et nombreuses langues locales.
Je me pose la question de savoir si au niveau des lettrés, des fonctionnaires et des dirigeants il y a pu y avoir une certaine unification du parler, le contraire est possible puisque les Japonais et les Coréens ont utilisé les caractères chinois avec des prononciations différentes (en plus de grammaires différentes, d’autres langues donc).
Ce qui est sur c’est que l’unification de la prononciation s’est faite à l’époque moderne d’une manière volontariste, après des concertations, la politique ayant joué un rôle important, la langue parlée devait aussi montrer l’unité de la Chine, les gens de Shanghaï ou d’autres lieux pouvaient prétendre avoir la bonne prononciation autant que ceux de Pékin mais grosso modo c’est le dialecte des environs de Pékin qui a prédominé, ce qui n’empêche pas les variations d’accents. Quant aux multiples langues locales, elles ont tendance à disparaitre, pour les mêmes raisons qu’ailleurs, obligation scolaire avec des normes centralisées, absence de supports écrits pour les langues locales.
C’est assez complexe dans la mesure où les caractères combinent ces traits originaux, des pictogrammes et des notations phonétiques.

http://www.philippesollers.net/leon-vandermeersch.html

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